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[Enseigner avec le cinéma. Rencontre avec la pédagogie institutionnelle]

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II-2.Les points de repères théoriques

>>>SENS, SIGNIFICATION, VALEUR

Comment faire donc, pour qu’il y ait du collectif, que chacun ait envie d’apprendre, envie d’enseigner, que tout le monde s’y retrouve, qu’il se passe quelque chose, que ce ne soit pas figé ?

Sens — signification

Il faut y être, littéralement, être bien présent, ne pas se cacher derrière son statut d’élève, ou d’intervenant ou d’enseignant : assurer la fonction d’apprenant, d’enseignant sans trop se carapaçonner dans son statut pour que les relations soient vraiment humaines et pas seulement sociales. Arriver à faire de la place à l’autre. Quand il y a du collectif, chacun devient à tour de rôle un médiateur, et comme la fonction, cela n’est pas figé ni attaché à une même personne : cela « tourne », justement. Il n’y a pas d’un côté, l’enseignant et de l’autre, l’enseigné. Si l’enseignant, le maître, n’est pas capable de se retrouver dans une position d’enseigné, il ne sera jamais un bon enseignant. Je ne fais là que reprendre un des leitmotiv fameux de Jean Oury par rapport à la fonction « soignante » qu’il déplace toujours vers la fonction « enseignante » (la Pédagogie et la Psychothérapie institutionnelle, dit-il, c’est tout un. Il n’est pas possible ici de développer ce point. Je renvoie aux nombreux sites où l’on peut trouver des articles sur la Psychiatrie et la Psychothérapie institutionnelle et ses « entours », notamment celui de Michel Balat, sémioticien, psychanalyste :

http://www.balat.fr

Pour être à sa place et s’y bien sentir cela demande que l’on trouve un sens à ce qui se passe et à ce qu’on fait. Trouver un sens à ce qu’on fait est une affaire personnelle, intime, de l’ordre du vécu. Cela ne se partage pas. On ne pourra jamais ressentir ce que ressent notre voisin.

Pierre Johan Laffitte, que je continue de citer, précise bien qu’il ne faut pas entendre « sens », comme synonyme de « signification ».
C’est la différence entre les deux expressions : « ça fait sens pour moi » et « le sens d’un mot », cette dernière relevant de la définition (et donc d’une recherche de fixité) alors que la première relève du vécu — qui est en perpétuel mouvement, en « élaboration permanente ».

Donc, quand il y a du collectif, le « sens » qui est intime à chacun, qui ne se partage pas mais se vit, va pouvoir permettre à la signification d’entrer dans un mouvement.

Pierre Johan Laffitte :

« J’entends par “ mouvement ” ce qui va actualiser, pour un ou plusieurs individus, cette association d’une convention signifiante à un donné (objet, situation...).
Actualiser, c’est rendre possible à un individu l’utilisation et la maîtrise de cet outil qu’est la signification, en ancrant cette dernière dans une pratique »

Considérer la signification comme un outil est une proposition qui est tout à fait nouvelle pour moi. Je la trouve très porteuse pour inventer de nouvelles pratiques. C’est une piste que j’aimerais aussi creuser.

Considérer le mouvement, non pas comme le déplacement d’un mobile (sa définition la plus courante), mais comme une sorte de fonction favorisant l’advenue de quelque chose, ici en l’occurrence la signification, nous oriente vers une appréhension de ce terme davantage liée au rythme, à une dynamique, plutôt qu’à cette vision calquée sur le scientifique que nous en avons généralement.

Dans le domaine qui ici nous intéresse, c’est-à-dire, la « pédagogie du cinéma », l’ « action culturelle » autour du cinéma, n’a-t-on pas tendance à ne considérer le mouvement que sur son registre positiviste, en l’opposant un peu trop rapidement à l’arrêt ou à l’immobilité, par exemple, en nous éloignant trop vite de ce lien avec le rythme, la dynamique. Nous y reviendrons.

Sens — valeur

« Sens et valeur sont proches, mais pas équivalents. Le sens ne se « partage » pas, mais se vit ; et plusieurs sujets trouvent du sens à participer à une même praxis lorsqu’ils lui reconnaissent une valeur ; c’est la reconnaissance de cette valeur, sa discussion, son travail, sa mise en question permanente qui fonde la communauté des praticiens et qui définit leur activité. La praxis manipule de la valeur, mais conserve au sens la place qui convient à sa singularité : la place du sacré, intouchable sinon par le seul sujet. »

En s’arrêtant sur ces notions de sens et de valeur, on est toujours dans le collectif entre le symbolique accepté par chacun et ce désir inconscient, singulier, de tout sujet.

LES LIENS DE L'ATELIER AVEC LA PI

Comment se situer toujours à ces deux « niveaux », collectif et singulier ?
Comment respecter sens, valeur, et faire entrer dans le mouvement, actualiser la signification ?

Ce qui motive (met en mouvement) l’atelier c’est le souhait de produire, construire, à l’intérieur du groupe-classe, un certain savoir sur l’image en général, l’image cinématographique en particulier, en prenant appui sur la notion de pensée de l’écran, impliquant de considérer l’image à partir de ses deux composantes : les figures et le support.

Il va falloir faire en sorte que chacun trouve sa place, que ce qui va être fait et dit fasse sens de manière singulière et qu’à partir de là on puisse donner une valeur reconnue par toute la classe aux savoirs qui vont émerger. Je ne me suis pas initialement posée la question comme cela, mais ce sont les concepts de la P.I. qui m’aident à regarder l’atelier sous cet aspect-là.

Revenons à la notion de machine. La classe, on l’a vu, est comparée à une machine, en tant que « système utilisant une énergie extérieure pour effectuer des transformations, des exécutions sous la conduite d’un opérateur ». J’ai besoin, à présent, de m’intéresser à ce qu’on entend par ce terme.

Définition de l’opérateur selon le Petit Robert :

(Mécanique). (opposé à récepteur). Organe d’une machine qui exécute le travail utile que la machine doit accomplir.

Pour l’instant, je prends ce terme, du point de vue mécanique, même si je vois qu’il est également employé en mathématiques ( le Petit Robert renvoie à algorithme).

Pour tenter de comprendre le fonctionnement d’« Au commencement était l’image », je vais également filer la métaphore de la machine et chercher à repérer ce qui a pu avoir une fonction d’opérateur pour accomplir cette production de connaissance sur l’image et le cinéma.

Les deux opérateurs, de nature différente, vont être :

>>> Le matériau du rêve : ce que la mémoire conserve de notre action de rêver. Pour quitter le travail initial sur les écritures ayant conservé une part visuelle (les hiéroglyphes, les idéogrammes), j’ai donc choisi le rêve.

Le rêve est la chose la plus intime, non partageable, qui pose déjà pour soi la question du sens et du non-sens. Et pourtant, elle une expérience vécue par tout le monde, une donnée anthropologique. C’est pour cette particularité d’expérience non partageable et en même temps commune à tous que j’ai choisi de l’utiliser et non, bien sûr, pour des raisons psychologiques ou psychanalytiques. J’ai d’ailleurs toujours insisté dans mes façons de dire : rendre visible un rêve.

Pour que le rêve soit donc un opérateur, à la fois producteur de connaissance, et qu’il permette aussi de créer du collectif (n’oublions pas !), j’ai imaginé le dispositif suivant, décomposé en trois temps :

##Dessiner ce dont on se souvient d’un rêve (en étant attentif aux figures et objets et à l’espace entre eux)
##Donner ce dessin à un autre élève qui va le voir comme une image dont il doit prendre connaissance et lui trouver une interprétation.
##Demander au « rêveur » de faire le récit du rêve dessiné.

La phase d’interprétation sera elle-même organisée en deux temps : d’abord « je vois » — phase descriptive, puis « je crois comprendre que/j’imagine que… », — phase interprétative proprement dite.

>>> Le travail sur les mots. Il va permettre d’une part, de nommer, donner une signification à des notions qui concernent l’image en général, et donc le cinéma ; d’autre part, ordonner, classer (au tableau noir), tous ces mots en leur attribuant une valeur partagée au sein de la classe.

Je renvoie à l'Album des rêves, où l'on peut consulter, pour chaque élève, le dessin du rêve, son interprétation par un autre élève, le récit du « rêveur ».

Au cours des deux séances consacrées au rêve (au lieu d’une seule prévue) quelques élèves liront la description et leur interprétation de l’image du rêve que le hasard de la distribution des dessins leur aura mis sous les yeux. Le travail collectif s’appuiera sur ces lectures.

Les prises de notes de l'enseignant — L'Album du maître — peuvent aider à imaginer comment ce travail sur les mots opérait au sein de la classe. Où l’on peut remarquer comment les élèves posent les questions (« Pourquoi disposes-tu les mots selon un certain ordre ? — Clémentine ») et donnent les réponses (« Par sens, par idée commune — Solal, Ilyes »).

« Les mots lui manquent »


Dans notre conversation avec Jean-Charles, avant de démarrer la seconde séance, je m’informai des réactions des élèves, de ce qui avait pu se passer dans la vie de la classe depuis la première séance. Je le questionnai, en faisant référence à des remarques précises d’élèves lors du travail de groupe.

Je lui parlais notamment d’un garçon, à la fois réservé et participant. Jean-Charles me parle des difficultés de cet élève, de la situation familiale (la maman ne parle pas du tout français)…

Pour démarrer la séance, renouer les fils, je demande aux élèves s’ils se souviennent de certains mots abordés lors de la première séance. C’est bien sûr par un silence qu’ils vont d’abord me répondre. Sans brusquer, je repose la question autrement, je ne cherche pas à empêcher le silence de faire son travail. Et puis voici que ce petit garçon, à qui les mots manquent, énumère une dizaine de termes, selon un ordre logique parfait (à une exception près) correspondant au premier travail développé autour de l’image.

Pour qu’il se souvienne, à la fois des mots, et d’une structure logique, il fallait que ces mots « fasse sens » pour lui, que le désir soit là, pour que cela lui permette de mémoriser la valeur reconnue et la signification de ce savoir acquis.

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