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  le livre impossible
				À GEORGES IZAMBARD 
 
                  Charleville, [13] mai 1871
                  
                  À PAUL DEMENY
                  
                 
                  Charleville, 15 mai 1871
                 
                Les extraits des lettres de Rimbaud 
                    ont été reprises de leur publication dans la 
                    bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Pour 
                    découvrir la véritable “mise en page” 
                    de Rimbaud, consulter : Arthur Rimbaud, Lettres 
                    du voyant, Textes littéraires 
                    français, Droz, 1975.
               Extraits de la communication 
                    de Hiroo Yuasa au colloque de Cerisy “Rimbaud multiple”, 
                    Bedou et Touzot éditeurs, 1986.
                   Quelle était la tâche 
                    que le poète s'était proposée comme la 
                    plus urgente ? C'était de détruire “la 
                    signification fausse” qu'on se faisait normalement du 
                    “Moi”. Aussi commence-t-il par essayer de remettre 
                    le moi en question, de décomposer la subjectivité 
                    et la notion de l'individualité. Car ce “Je” 
                    est constitué bon gré mal gré, en conséquence 
                    de sa formation soumise à l'empire des apparences, 
                    par des conventions socio-historico-culturelles de toutes 
                    sortes, qu'elles soient visibles ou invisibles; ce “Je” 
                    ne comprend pas qu'il n'est en fait qu'un réservoir 
                    de toutes les illusions collectives du monde de la Loi ; ce 
                    “Je” recèle sans le savoir toutes les catégories 
                    déjà posées avant sa naissance — 
                    et retenues dès cet acte de naissance — telles 
                    qu'entre autres, l'idée du péché, la 
                    notion du bien et du mal et la distinction du bon et du mauvais 
                    (du méchant).
                 Tant que “Je” est “Je”, 
                    dans cette évidence tautologique, le Moi est assuré 
                    de son unité individuelle et de son identité 
                    comme personne; le principe d'identité semble donc 
                    rester inébranlable : le “bois” est le 
                    “bois”, le “cuivre” n'est autre que 
                    le “cuivre”. Si toutefois “Je est un autre”, 
                    s'il se peut que “Je” soit non-Je, voici que l'unité 
                    du moi est susceptible de déchirement, et que le principe 
                    d'identité est profondément remis en doute . 
                    Ce qui ouvre une voie à la possibilité de voir 
                    que le “bois” se trouve non-bois, en l'occurrence 
                    “violon”. (…) Pourquoi croit-on alors absolument 
                    et obstinément que “Je suis” ? Pourquoi 
                    ne s'aperçoit-on pas que “Je est un autre” 
                    ? Parce qu'on ne met pas en cause, dit le poète, la 
                    “fausse” manière de dire : “Je pense”. 
                    Il est pertinent de nous référer sur ce sujet 
                    à un passage de Nietzsche où il critique justement 
                    le mensonge de la logique traditionnelle :
              “(Contre la superstition des 
                    logiciens), une pensée se présente quand “elle” 
                    veut, et non pas quand “je” veux : de sorte que 
                    c'est falsifier la réalité que de dire :le sujet 
                    “je” est la condition du prédicat “pense”. 
                    Quelque chose pense, mais que ce quelque chose soit justement 
                    l'antique et fameux “je”, voilà, pour nous 
                    exprimer avec modération, une simple hypothèse, 
                    une assertion, et en tout cas pas une “certitude immédiate”. 
                    En définitive ce “quelque chose pense” 
                    affirme déjà trop; ce “quelque chose” 
                    contient déjà une interprétation du 
                    processus et n'appartient pas au processus lui-même. 
                    En cette matière, nous raisonnons d'après la 
                    routine grammaticale : “Penser est une action, toute 
                    action suppose un sujet qui l'accomplit, par conséquent…” 
                    (Par-delà bien et mal)
                Rimbaud certes prend conscience de 
                    ce fait : dire “Je pense” c'est croire à 
                    ce “Je” comme le sujet individuel et raisonner 
                    selon la routine grammaticale ; c'est, autrement dit, se conduire 
                    dans le cadre des conventions que nous impose la langue comme 
                    un système “déjà fait”. Si 
                    cependant la vérité est dans la proposition 
                    : “On me pense”, l'unité du moi, l'identité 
                    subjective, n'est plus certaine. Et il en va peut-être 
                    de même pour un concept ou pour une proposition : leur 
                    identité peut être aussi révoquée 
                    en doute et remise dans une certitude radicale. Sans doute 
                    se peut-il que “le cuivre s'éveille clairon” 
                    et que le “bien” ne soit pas le “bien”.
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