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Extraits du carnet des lecteurs

Alain Bergala
«Peut-on imaginer un livre de cinéma qui ne ressemblerait à aucun autre, qui les contiendrait tous, qui serait inusable, qui serait une création différente pour chaque lecteur engagé dans son labyrinthe, qui serait un bel objet sensuel et improbable, doux à tenir en main et à feuilleter, qui deviendrait vite une présence amicale et secrète indispensable ? Ce livre existe : celle qui l’a composé, comme un musicien, y a passé vingt ans de sa vie, entre France et Italie, l’a amoureusement mis en page et édité, l’a déposé dans quelques librairies choisies où il ne serait pas maltraité, continue à veiller sur lui et à le regarder grandir. C’est à peine si elle y a mentionné son nom pour qu’il soit libre de lui échapper et devienne le livre de ses lecteurs. Il s’appelle PASSAGE DU CINÉMA, 4992.»

Jean-Luc Godard
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Tanguy Viel
[…] J'ai bien reçu votre livre, immense travail, vertigineux et qui recoupe en plus d'un point mes interrogations actuelles sur la forme.
Je vous remercie beaucoup de cet envoi d'un objet qui sera là, longtemps, comme une sorte d'usuel infiniment feuilletable, sans savoir si c'est pour sa matière propre ou bien pour le geste qui le fonde que ce livre est déjà un ami. Je ne résiste pas à vous joindre cette citation de Maurice Blanchot, qui est la première qui me soit venue en ouvrant votre livre et qui me semble si appropriée :
« Il n'est pas douteux que les œuvres nous attirent moins par elles-mêmes que comme les marques éblouissantes qui nous rendent visible le cheminement passionné d'un artiste, le mouvement exprimant sa propre contestation et, par elle, la contestation de l'art devenu stabilité et repos, – et chaque artiste nous apparaît à son tour comme la trace, non pas destinée à durer, mais peut-être à s'effacer, qu'a laissée l'art, à la recherche de son point extrême. »
Eh bien il me semble qu'à travers ce projet aussi fou que sage, vous frayez quelque part près de ce point extrême. […]

V.
[…] Sans ornementation théorique et références philosophiques, on est conduit vers la question essentielle : « Où sommes-nous? » — et à habiter avec vous le temps en chevauchant des rythmes très divers, jusqu'à rencontrer votre intimité. […]

Pierre Johan Laffitte
[…] Ce faisant, tu crées des possibilités de bifurcation, tu crées un dispositif : ensuite, à chacun de cheminer, et donc de laisser se faire les possibilités d'agencement qui sont forcément singulières (là, on est plutôt dans Deleuze/Guattari, autant dans La Logique du sens que dans Mille Plateaux). Ton texte se "dispose au sens" (c'est une expression à moi), mais le sens, lui, reste toujours dans la sous-jacence et n'existe qu'à l'état de lecture. La lecture de ton œuvre est impossible comme une :  elle est pas-toute, elle est renoncement à tout connaître, en cela elle n'est pas fiction mais discours, pas récit mais cartographie. […]
Paradoxalement, l'existence d'un signe ou d'un ensemble de signes, en tant que “représentement”, précède l'objet dont parle ce signe. Si tu n'étais pas avant tout le scribe aveugle qui transcrit, rien de ce qui est là au fur et à mesure n'émergerait à régime d'art. Sémiotiquement, il n'y a pas de transitivité de l'œuvre d'art, une œuvre ne parle pas de quelque chose au sens où cette chose la précéderai ontologiquement ; cette chose qui correspond exactement à l'œuvre produite, autrement dit son “objet”, elle est exactement contemporaine du tracé qui la dispose à la réception. […]
En ce sens, l'objet de ton livre se trouve en aval de son inscription. Bien sûr, cela ne veut pas dire que ton livre “parle pour parler”, “ne parle de rien” : bien sûr qu'il y a un objet de départ, et c'est toute votre alchimie fonctionnelle avec ton complice graphiste que de l'avoir fait émerger puis se saisir en une forme. Mais il y a plusieurs objets à l'œuvre : certains sont déjà là, fixes ; d'autres sont réels, bougent ; un autre, enfin, peut même être dit cause ( = cosa, chose…), c'est celui qui se révèle, toujours après coup, quand le sujet découvre ce qui faisait promesse toujours plus vive au fur et à mesure de son commerce avec les signes (ce commerce, c'est autant la lecture, que son écriture : tu n'es pas que scribe pendant que tu faisais le scribe, ça s'inscrivait devant tes yeux et dans ta “machinerie du dire”, quelque chose cessait enfin de ne pas s'écrire, et ça bien sûr, ça n'est qu'après qu'on s'en rend compte […].

Sur le représentement  : [Ouvrez !]
Sur la machinerie du dire  : [Ouvrez !]
Le site de Pierre Johan Laffitte : [Ouvrez !]

 

Passage du cinéma, 4992

165 x 240 mm. PlanoPak Weiß 50 gr. (Papyrus). 992 pages.
ISBN 978-2-9544708-0-1. 35 euros. Septembre 2013.

Composition, choix des fragments et montage : Annick Bouleau
Conception graphique : Le Théâtre des Opérations
Édition : Ansedonia, association Loi 1901
Télécharchez les MARQUE- PAGES [mp1][mp2]

Extraits

Couverture [Ouvrez !]

Liminaires (p. 1-16) [Ouvrez !]

Vade-mecum du lecteur et premières pages (p. 17-23) [Ouvrez !]


Quelques extraits également de la correspondance avec le graphiste du studio Le Théâtre des Opérations.


[20 novembre 2012]
Bonjour,
Je découvre votre travail en achetant Objectivité et Une brève histoire des lignes. J'ai réfléchi deux/trois jours avant de vous écrire.
J'ai "composé" un projet destiné à devenir livre-papier, un livre de montage-modelage intitulé Passage du cinéma, 4992, volumineux (près de 5 millions de signes). […]

[…]

[27 novembre 2012]
[…] C'est la matérialité de vos couvertures qui m'a frappée.
Et puis aussi, je dois dire, dans votre Who I am : "codeur avide d'algorithmes". […]
J'ai l'impression qu'il y a dans mon projet des éléments qui peuvent stimuler votre imagination pour inventer une certaine "matérialité” (la notion de ruban, la vitesse de lecture - comme j'en parle dans l'introduction -, notamment)
Si vous voulez que je vous en dise plus, par écrit, avant un RV, dites-moi. […]

[…]

[7 janvier 2013]
[…] Je dois d'abord réfléchir davantage à l'objet que nous voulons construire. La mise en page, plutôt automatisée, ne coûtera pas bien cher je pense ; l'impression non plus, tout sera en noir et blanc ; en revanche, le papier et le brochage restent un peu inconnus pour moi, tout dépend si on prend un papier "normal", ce qui donnerait un livre assez épais compte-tenu du nombre de signes, ou si nous prenons un papier plutôt genre "bible", ce qui réduirait fortement l'épaisseur du livre. Il faudrait pour cela faire des maquettes en blanc, ce qui a un prix, mais avant cela je veux calibrer la maquette et avoir un nombre de pages approximatif…
[…] L'idée que j'ai en tête pour le format est 17 (largeur) x 24 cm, un format assez large approprié pour deux colonnes, mais pas trop grand malgré tout. Vous devriez bien avoir chez vous un livre de ce format, je pense.
L'autre avantage est qu'il est parfaitement optimisé par rapport au format des feuilles d'impression de mes imprimeurs (quasi pas de chutes de papier, donc économie d'argent), c'est un format que j'aime assez bien, on pourrait partir là-dessus.
Une fois le format défini, alors je fais quelques tentatives de mises en page pour estimer le nombre de pages final, et à ce stade on se posera la question du papier (fin ou pas) et du brochage…
À suivre, très vite !
PS : je ne sais pas quels «zones sensibles» vous avez, mais pour chaque première impression de mes livres j'utilise un brochage intitulé Otabind, où le dos de la couverture est décollé du dos des feuilles intérieures, cela permet au livre de s'ouvrir tout seul et de s'aplatir sans «casser» le dos, je vous joins une image de ce type de brochage, je pense qu'il pourrait tout à fait convenir à votre livre – même s'il est plus cher qu'un bête cousu habituel…

[8 janvier 2013]
[…] J'attends une réponse de mon brocheur pour le brochage – pas forcément évident si nous faisons du cousu, cela ferait plus de 30 cahiers de 32 pages, à savoir si cela fonctionne avec le Otabind.
Voilà ci-joint deux maquettes – vite faites, aucun réglage typo pour le moment, de même que les marges ne sont pas définitives –, avec la même police mais dans deux graisses différentes pour le texte principal, juste pour savoir, comme ça, rapidement, au premier regard, ce qui vous plaît le plus en terme de "gris typo"…

[8 janvier 2013]
[…] La seule chose que je peux vous dire pour la maquette c'est toujours cette idée qu'il y ait le maximum de fragments (dans la limite de l'aisance de lecture) sur une double page et que je “vois” le fragment comme un corps hétérogène mais soudé formé de 3 parties indissociables (le numéro, l'extrait, la référence)
Les liens, eux ne font pas partie de ce “corps hétérogène mais soudé”.

[8 janvier 2013]
Compris ! Dites-moi si cela fonctionne avec les deux PDF que je viens de vous envoyer… Cette typo, même relativement petite, permet de remplir les pages tout en restant lisible… J'affinerai plus tard la mise en forme des 3 parties, à l'aide de réglages typo… réfléchissons au "gris typo" pour commencer…

[…]

[8 janvier 2013]
[…] # Ce projet de «Table», c'est juste une idée, c'est peut-être un peu tordu.
Non non, pourquoi pas !

#Matériau : correspond à la liste des revues que j'ai dépouillées
#Matières : correspond à l'index des entrées
#Passage du cinéma, 4992 : correspond au corps du livre
#Le reste : correspond à la petite phrase de Spinoza (disons que j'ai envie que «le reste (qui) manque» soit déjà présent pour le lecteur dès qu'il ouvre le livre. Ce serait comme si ce reste - même absent - ferait quand même partie de la structure du livre (mais c'est peut-être un peu trop…)

Ça marche !

#Tout comme, à part les infos techniques habituelles d'un livre, j'aimerai bien qu'après «le reste manque» il n'y ai plus rien à lire. Une page blanche. C'est pour ça que j'ai imaginé mettre au début la liste des revues consultées.
Très bien ! Je continue à avancer sur les distinctions entre les trois parties, et je vous envoie quelque chose tout à l'heure…

[…]

[23 janvier 2013]
[…] # Les 1200 pages n'ont pas l'air de vous affoler : ça va "tenir" ?
Je ne m'affole pas, du moins côté mise en page ; la seule chose à laquelle je dois réfléchir est l'objet final (lourd ou pas lourd, épais comme ceci ou cela), c'est là que sera la clef de la réussite ;) […]

[23 janvier 2013]
[…] Les seuls éléments que je puisse vous rappeler, c'est l'importance de la forme "ruban" et le souhait d'un maximum de fragments sur une double page (pour une première approche globale "visuelle" — ce qui se rapproche de votre "gris typographique")
Sur "l'esprit du livre", j'ai commencé à travailler à une 4e de couverture, c'est très court, cela vous donnera peut-être des idées.
C'est ici (c'est la note 60) […]

[…]

[26 janvier 2013]
[…] Je me remets à votre livre en début de semaine. On va bien trouver des solutions pour diminuer le nombre de pages… Je pense qu'il faudra qu'on se revoie pour étudier des papiers, réfléchir à l'objet – quand c'est un peu plus clair dans ma tête… […]

[28 janvier 2013]
[…] Un petit mot pour vous dire que je prépare quelques lignes complétant ou développant certains arguments déjà dans l'introduction ou dans le projet de 4e, ceci pour faciliter notre prochain rendez-vous et vous permettre d'entrer petit à petit dans ce nouvel objet. Cela est très utile aussi pour moi car cela me pousse dans mes retranchements, m'oblige à tenir compte de "l'autre" ou me mettre à sa place.
Donc, je m'y mets, je vous l'envoie d'ici demain ou après-demain. […]

[29 janvier 2013]
[…] En gros : format 17 x 24 cm, 1120 pages (au plus haut) soit 35 cahiers de 32 pages, couverture en 300 gr. (assez rigide donc), pour le brochage j'ai demandé du cousu avec deux brochages différents : le Otabind (hyper souple mais le livre ne doit pas dépasser 3 cm d'épaisseur, ce qui du coup peut nous pousser à choisir tel papier fin plutôt que tel autre papier "normal"), et un cousu "normal"…
Pour les papiers, j'ai demandé trois papiers Bible / fins différents, avec des blancheurs différentes, et de qualité différente. Je vous les montrerai lors de notre prochain rendez-vous, et on regardera tout cela en fonction du prix. Logiquement j'aurai ces devis d'ici la fin de la semaine…
Pour la couverture : nous sommes bien en noir (pas de couleur ?), assez minimaliste ?
Très bien pour votre texte de 4e de couverture, si vous voulez un avis "éditorial" sur cela, je le ferai avec plaisir.
Je vais maintenant affiner la maquette intérieure, je vous envoie des choses d'ici jeudi.
Nous pouvons désormais considérer que votre livre est bel et bien sur les rails ;)
À très bientôt

[30 janvier 2013]
[…]
Passage du cinéma, 4992 : Comment ça marche ? [1]
On pourrait distinguer trois éléments. Qui ne peuvent pas se réduire à des liaisons 2 à 2, dualistes. Ce serait plutôt comme des nœuds borroméens. Trois inséparables.
1. le contenu «documentaire» : l'information apportée par les fragments
2. le contenant/contenu formel : le ruban-montage
3. le contenant «objet» : le livre

1. le contenu «documentaire» : l'info des fragments
Il y a l'extrait proprement dit, qui dit des choses d'un point de vue esthétique, historique, économique, politique, affectif même (cet aspect-là démarque déjà le projet d'un ouvrage à vocation «objective»), etc.

Si l'on en reste là, cela se rapproche d'une base de données et l'on ne voit pas beaucoup l'intérêt d'en faire aujourd'hui un livre (ce serait un pléonasme que d'ajouter «papier»).
Un site, avec tout un appareillage d'index (noms des personnes, titres des films, années, sujets, etc) et une fonction «recherche» ferait très bien l'affaire pour les étudiants ou les chercheurs en mal de copier/coller (beaucoup de personnes ne voient que cet aspect-là du travail quand j'en parle et critiquent mon souhait d'en faire un livre. Mais c'est l'aspect «montage littéraire» qui avait plu à X…) […]

La chose se complique :

1/ du fait que l'extrait n'est pas «l'unité» de ce long texte : c'est le fragment qui a cette fonction (le fragment, donc : «corps hétérogène mais soudé»).
Le fragment ne transporte pas seulement l'info «documentaire» : les numéros introduisent la trace d'un «je» et de son temps de travail. Les références dans la parenthèse ne sont pas simplement une simple «légende» : elles transportent aussi de l'information de plusieurs types (je n'entre pas dans le détail). Elles peuvent même parfois concurrencer très fortement la partie «extrait» du fragment.
Le bloc «référence» est donc ici détourné de sa fonction habituelle.

2/ du fait que l'index des mots d'entrée («matières» dans la «table») ne relève pas uniquement du vocabulaire cinématographique (on y trouve aussi : abandon, nuque, une fois pour toujours, moi je, vie quotidienne, stimmung, muser, etc.).
Là aussi, il y a la trace d'un «je» qui éloigne encore le livre d'un dictionnaire ou d'une encyclopédie du cinéma.
Et par ailleurs le titre n'annonce pas un livre de sciences humaines mais plutôt un roman. (C'est en pensant à Cannery Row de Steinbeck que j'en suis venue à imaginer un titre un peu comme une adresse américaine).

2. le contenant/contenu formel : le ruban
À partir de ce «matériau» j'ai donc composé un montage selon une méthode associative qui ressemble beaucoup à celle du montage cinématographique. Raccorder deux plans, c'est déjà l'isoler du stock de rushes provenant du tournage (ici la lecture des revues), c'est affiner peu à peu la coupe in et la coupe out au photogramme près (ici, parfois le fragment commence au milieu d'une phrase ou bien l'interviewé commence par dire : «Non.» mais on ne sait pas à propos de quoi. Cela fait intervenir la notion d'ellipse. C'est ensuite trouver le rythme dans la suite des plans (ici, des fragments).
Dans le livre cela fait appel à des couleurs de mots, à des modes ou des rythmes de phrases (qui ont d'abord été parlées, le plus souvent), etc.
Ces choix ne sont pas seulement esthétiques, de l'ordre du «sentir», même si c'est la première approche pour le lecteur. Il y a aussi la signification de chaque fragment qui va construire quelque chose de l'ordre de la signification mais pas à la façon définitive d'une définition dans un dictionnaire.
C'est un sens-signification assez arbitraire, qui peut même parfois sembler mystérieux. En tout cas, on est toujours dans la dynamique, dans l'ouvert et pas dans le statique, le clos.
Le sens-signification est indissociable du montage (la forme montage)
Le montage se moque de la chronologie, il construit du sens en jouant avec l'anachronie.

La présence du numéro en tête de chaque fragment, marque de l'ordre de celui-ci dans le fichier «stock de lecture» vient renforcer cette inscription des temps anachroniques, renforcée encore par le maillage des mots-passerelles qui vont provoquer des lectures dans tous les sens (avant/arrière)

Au bout du compte, on est loin de la base de données.

Ce second élément est ce qui fait la raison de publier ce travail. En termes juridiques, cela est nommé « œuvre seconde ». Et ici, elle est très importante. […]
Je réfléchis à la façon dont va apparaître le ©… ce qui m'entraîne vers … la couverture du livre.

J'en suis arrivée à imaginer une couverture où il n'y aurait que le titre du livre […].
Il faudrait, soit le retourner pour voir la signature du petit texte de 4e de couverture, soit l'ouvrir pour lire ce qui serait comme un «générique» de début pour le livre :

Passage du cinéma, 4992
Composition : choix des fragments et montage
Annick Bouleau
xxxx : xxxxx
The Theatre of Operations
Édition
Ansedonia

Encore faudrait-il que vous soyez d'accord … ?

3.le contenant «objet» : le livre
C'est donc là que vous entrez dans la danse !

Le défi pour ce projet c'est que vous avez à travailler non seulement avec un contenu mais avec une forme (le ruban) déjà là (parler de «contenant» ne me satisfait pas bcp même si je l'ai employé pour commencer à cerner les problèmes).

D'habitude, quand il y a «forme», en plus du travail graphique habituel, cela revient (sauf exceptions) au graphiste (ce que vous avez fait par exemple pour Flatland).
Dans mon projet, la forme est déjà là mais elle ne peut vraiment exister, sans l'invention graphique.

Il y a donc une imbrication de trois phases de travail que l'on peut distinguer mais non séparer. Et si l'une manque, les deux autres n'existeront pas (cf. les nœuds borroméens : un de cassé, c'est tout l'ensemble qui s'écroule).

***

Jusqu'à présent je vous ai parlé :

> du fragment comme «corps hétérogène mais soudé»,
> de la nécessité de mettre le maximum de fragments sur une double page (indispensable pour «activer» plus ou moins rapidement la cadence de la lecture),
> de la nécessité de pouvoir repérer très vite le droit et l'italique.

Je n'ai pas parlé de deux autres choses. Et c'est peut-être utile que je le fasse.

> C'est d'abord la nécessité de réduire autant que faire se peu le blanc entre deux fragments pour éviter que l'œil «bute» sur ce blanc et perde un peu la continuité (le blanc entre deux entrées étant un peu plus large pour quand même faire la différence).

> Il y a aussi la nécessité d'un contraste assez puissant entre le gras et le normal.
Vous verrez, de temps en temps, j'ai laissé du gras dans des fragments. Il faut que ça saute aux yeux dès qu'on arrive sur la nouvelle double-page. Autant je ne veux pas d'accrocs dûs au blanc entre les fragments (si faux raccords il y a c'est par le cut entre les mots de fin/mots de début que cela doit se jouer), autant cela me plaît qu'il y ait d'autres types d'accrocs (les règles typo désuètes du début du siècle, etc.). Le contraste pouvant aussi servir (mais ça c'est plus évident pour les numéros et les mots d'entrée-matières)

Vous croyez que je suis un peu obsessionnelle ? Non, non, c'est une impression … !!! (tous les monteurs le sont forcément un peu)

[30 janvier 2013]
Bonjour Annick,
Merci pour votre envoi, et le PDF que j'ai bien lu. Il est bon d'être obsessionnel, surtout lorsqu'il s'agit de son propre livre !
[…] J'ai désormais suffisamment d'informations pour me plonger dans tout cela. […]

[3 février 2013]
[…]
Voilà cinq pages de maquette retravaillée. J'ai légèrement diminué le corps et l'interlignage, c'est un poil plus dense que précédemment, entre la baisse du corps et quelques rapides affinages typo, j'ai déjà réussi à gagner presque 100 pages (pour l'instant quand je parle du nombre de pages, cela ne vaut que pour le texte "principal", pas le début, le sommaire, etc.). Il n'est pas évident d'expliquer tout cela par mail, mais si vous avez quelques minutes pour que l'on s'appelle par téléphone ? […]

[…]

[4 février 2013]
Oui, je n'ai modifié que des graisses, celles des chiffres en début de paragraphes, des renvois, etc., l'espace après le numéro de fragment a un peu diminué, tout cela peut paraître léger, et effectivement, j'ai comme l'impression que ça "allège" le tout, même si on garde un contraste important entre le très maigre et le gras. Je pense continuer à partir de cette base, si cela te convient…

[…]

[15 mars 2013]
Revoilà le début du livre, remis en forme double page par double page, je trouve que cela fonctionne nettement mieux !
Je pense que nous pouvons donc désormais passer à la mise en page proprement dite, en attendant d'avoir le manuscrit définitif, je vais préparer mes scripts et tout cela, pour avancer vite dès que j'ai le texte.
Pour info, avec la mise en page telle qu'elle est là et le corps du texte principal, mon calibrage approximatif me dit qu'on sera dans les 980 pages et quelques… On a donc gagné au moins 100 pages, et donc fait quelque économie…

[16 mars 2013]
[…]
Du coup c'est l'occasion de revenir sur 2 éléments :

1/ les infos copyright, isbn, etc…
J'apprécie dans tes publications ZS ton choix de les déplacer au verso de la couverture pour laisser arriver le livre proprement dit dans son intégrité.
Je serais tout à fait pour le même choix en ce qui concerne Passage… y compris dans leur précision (typo par ex).
Du coup, cela permettrait à la dédicace d'avoir "sa" page sans bouleverser l'ensemble.
Parenthèse sur cette page : comme dans toute dédicace il y a de l'intime, de l'affect et du mystère, mais il y a autre chose aussi qui concerne le livre directement même si peu de personnes ont les codes pour déchiffrer.
Il y a le prénom d'une personne bien réelle associée au prénom d'un personnage de fiction et pas n'importe lequel : Ernesto, l'enfant de Duras et Straub qui ne veut pas retourner à l'école parce qu'on lui apprend des choses qu'il ne sait pas.
La dédicace devient dédicace à tous les résistants au système scolaire enrégimenté, à Straub (qui je suis certaine y sera sensible) et pose dès le départ la question du rapport au savoir (sujet que j'effleure, discrètement aussi, dans "mode d'emploi").
Même si le lecteur n'a que faire de tout ça, il faut tout de même que son attention soit portée, à son insu (!!) sur ces deux prénoms. Cela me servira peut-être aussi par la suite pour développer cette question.
Qu'en penses-tu ?

2/ sur la présentation de "Matériau"
La liste des revues en un seul paragraphe me va très bien. Mais dans l'actuelle mise en page/typo cela donne spatialement/visuellement presque plus d'importance à la suite des ouvrages dont les extraits ne représentent même pas une page sur l'ensemble.
Qu'est-ce que tu pourrais inventer pour inverser la tendance ?

[18 mars 2013]
Avec plaisir, on met tout le colophon sur le verso de la couverture, comme pour les ZS, je préfère cela d'ailleurs, cela permet une entrée dans le livre «in media res» comme disaient les Anciens.
[…]
Parfait, si on déménage le colophon sur la couverture, nous aurons une page entière pour ces deux dédicaces. Je vais trouver quelque chose ;)
[…]
Je vais bien trouver ;)

[…]

[7 mai 2013]
Je suis en train de t'envoyer la bête via WeTransfer. Je repars sur autre chose pour régler des trucs de production d'un autre livre, et si tu veux on s'appelle en début d'après-midi ?

[…]

[7 mai 2013]
Annick, je te forwarde le mail de mon brocheur… qui est une bonne nouvelle, et je m'en doutais un peu : avec du papier si fin le livre sera suffisamment souple pour s'ouvrir tout seul (reste à ne pas prendre un grammage trop gros pour la couverture…). C'est une bonne nouvelle financière, et cela ne change rien au reste (je pense qu'il est mieux d'avoir un livre de 33 mm d'épaisseur que de 5 à 6 cm avec du papier normal. L'Otabind n'aurait été de toute manière pas possible).

— Comme le papier est si mince et si souple, je crois qu'un Otabind n'est pas du tout nécessaire.
Tu vas faire des frais supplémentaires qui ne sont pas tout à fait utiles.
Par contre, pour calculer le dos, il faut que je fabrique ici un blanco pour être sûr. —


[…]

[13 mai 2013]
Chère Annick, quelques mots depuis un train (retour à Bruxelles tard ce soir) et après un wek-end chômé.
En clair :
> Pour les petites caps […]
> En ce qui concerne le gras […]
> En ce qui concerne les espaces entre les lettres : c'est, et cela va être coton, car la justification du texte (la largeur de la colonne) n'est pas grande […]. Certaines choses seront à corriger manuellement — pas d'autres choix. […]
Comme tu le vois, malgré un automatisme poussé, il nous restera pas mal de choses à ajuster manuellement… d'où les deux jeux d'épreuves dont te je parlais, sur lesquels nous travaillerons fin juin.
Sur ce, bon courage, on va y arriver !

[13 mai 2013]
Merci pour tes explications. Cela me permet d'y voir plus clair. Je peux continuer à avancer comme ça… C'est un peu dantesque tout ça… Heureusement que j'ai un bon guide !

Ansedonia

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Sources

 

« C'est un livre… captivant… superbe… impeccable… bouleversant, même… »
>> DU JOUR  AU LENDEMAIN, Alain Veinstein

« Unique en son genre, Passage du cinéma, 4992, est le corps du cinéma mis à nu par ses ouvriers mêmes. »
>> LIBÉRATION, Éric Loret

« Le livre conçu par Annick Bouleau ne se peut comparer à rien. […] Bien sûr le titre renvoie aux Passages de Walter Benjamin, et c’est en effet la même intelligence des circulations et des transports inspirés de la grande ville qui y est à l’œuvre. Ludique et savant, Passage du cinéma, 4992, est aussi infiniment attentif à ce qui permet de composer une pensée du cinéma, enquête sans fin, enquête infiniment valide. »
>> PROJECTION PUBLIQUE, Jean-Michel Frodon

« Si, dans Passage du cinéma, 4992, une pensée du cinéma se dessine, les pistes tracées y sont si nombreuses, les horizons si larges, que les cheminements de lectures paraissent inépuisables. Et d'une pensée du cinéma, on passe insensiblement à une pensée du monde. […] Permettons-nous d’insister : ce livre ne doit pas passer inaperçu. Il relève d’une aventure éditoriale et intellectuelle absolument passionnante. »
>> POLITIS, Christophe Kantcheff

(photos 1 et 2 : Paula Velez)

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